Les histoires de Nanou

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Episode 12 : déconfinées, déconfinés, je vous ai quittés…

 Le confinement s’est terminé, le déconfinement s’est déroulé par étapes qui se sont étirées interminablement. Au final, seul le virus est resté, inconscient que c’est lui qu’on essaie d’éliminer.

 Comme il paraît qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire, je viens faire mon mea culpa. Car vous avez été nombreux à me demander (pipeau...) pourquoi je vous avais abandonnés en cours de route. Étais-je terrassée par une dépression post-covidique ? Étais-je clouée au lit après avoir contracté le Covid sur un paquet de pâtes ? M’étais-je accidentellement blessée avec une haltère lors d’une de mes séances de sport quotidienne ? Ou ai-je décidé de me consacrer à ma nouvelle passion pour la cuisine ?

 Et bien, rien de tout cela, même si absolument tout était dans l’air du temps. Si je vous ai oubliés, c’est parce que je vous ai trahis. Car oui, je me suis déconfinée avant tout le monde. Je fais un métier à ce point essentiel qu’il ne pouvait attendre le 11 mai. Et ayant retrouvé une vie professionnelle, des horaires de travail, des collègues, un extérieur et remplissant quotidiennement une attestation de sortie professionnelle, je ne pouvais raisonnablement venir ici parler de confinement.

 Et aussi, vu que j’avais une vie, je n’avais plus de temps.

 Cela ne signifie pas que je n’ai pas vécu cette période aussi intensément que chacun d’entre vous. Et surtout, cela ne signifie pas que mon sens aigu de l’observation s’est émoussé. Car depuis mars, nous avons l’opportunité d’observer un certain nombre de comportements que je trouve fascinants.

 

 Lorsqu’il n’y avait pas de masques, on en réclamait à cors et à cri. Lorsqu’ils sont devenus obligatoires, personne n’en voulait, y compris ceux qui vous regardaient avec envie en avril lorsque vous arboriez timidement votre masque en tissu homemade.

 

 Lorsque la RATP a condamné un siège sur deux, il y avait toujours un voyageur pour s’approcher subrepticement, lorgnant d’un œil torve la place vide à coté de vous, à moitié occupée par votre sac innocent, puis s’appuyer discrètement sur l’accoudoir, avant de profiter d’un coup de frein pour poser une fesse, puis l’autre, écrasant votre sac qui suppliait qu’on le respecte un peu. Il y avait aussi ceux qui voyaient l’étiquette mais qui voulaient être assis sur cette place précisément, dans ce sens-là, pas dans l’autre, détruisant au passage le joli schéma de distanciation en quinconce créé lors d’interminables réunions.

 Lorsque la RATP a retiré les étiquettes, les gens se sont mis à respecter scrupuleusement les traces de colle encore présentes sur les sièges, preuve qu’ils en étaient finalement capables.

 

 Lorsque les supermarchés ont réalisé un habile tracé au sol pour délimiter le mètre de distanciation nécessaire et indispensable, la personne devant vous n’avait de cesse de vérifier que vous ne dépassiez pas d’un millimètre, tandis que celle qui était derrière n’hésitait pas à venir regarder votre téléphone par-dessus votre épaule. Lorsque le tracé a disparu, la distanciation a disparu aussi, et tout le monde s’est remis à coller ses courses à celles des autres sur le tapis de la caisse.

 

 Sans doute allez-vous finir par croire que je n’aime pas les gens ? Que je n’adore pas partager le contenu de mon téléphone avec des inconnus, ni leur laisser lire quelques pages de mon livre comme s’ils en étaient justement à ce chapitre-là eux aussi ? Que je n’apprécie pas qu’on observe mes courses, comme si j’avais inventé les articles et non que je les avais pris dans les rayons là où ils sont accessibles à tous ?

 Alors, je vous le dis : non, je n’aime pas les gens.

 Je les aime à un mètre de distance et j’ai une crise sanitaire mondiale pour prouver que j’ai raison.

 

 A suivre…

 



12/09/2020
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