Les histoires de Nanou

Les histoires de Nanou

Episode 4 : jour de fête

Je me suis levée ce matin le cœur battant, car j’avais un objectif bien précis en tête. Tout en prenant mon petit-déjeuner devant YouTube (privilège du week-end) (non je n’ai pas regardé de « routines confinement »), j’ai répété mon plan dans ma tête, chaque détail contraignant, chaque petit bonheur. Je me suis sentie comme une voleuse préparant un cambriolage.

J’ai pris une douche, lavé mes cheveux, appliqué un soin. Je me suis maquillée soigneusement, ravie de retrouver mes habitudes un temps délaissées. J’ai choisi une tenue convenable, ni trop sophistiquée, ni trop simple. J’ai utilisé mon parfum préféré, comme pour me préparer à retrouver un amant longtemps absent. J’ai choisi une paire de boucles d’oreilles et des bagues. J’ai mis mes chaussures et la main légèrement tremblante, j’ai fait un geste que je n’avais pas fait depuis dimanche dernier : j’ai tourné la clé dans la serrure. Et j’ai ouvert la porte.

Et puis j’ai descendu les poubelles.

Quatre étages d’un bonheur oublié, que j’avais jusque là ignoré. Pour prolonger le bonheur, j’ai sorti les ordures ménagères ET le recyclable. Deux fois plus de temps à profiter de l’air frais de la cour de l’immeuble. J’ai même pensé à les descendre en deux fois, mais je garde cette astuce pour les jours de disette.

 

Une heure après, je suis allée faire les courses après avoir rédigé mon autorisation de sortie à la main. Évidemment j’ai oublié ma liste de courses. J’ai dû remonter. Inconscient quand tu nous tiens… J’ai marché dans les rues désertes, fébrile, avec l’impression d’être une fraudeuse. C’était étrange de ne croiser presque aucun humain, presque aucune voiture sur une avenue très passante. Étrange aussi lorsque finalement quelqu’un se matérialise devant nous, on évite son regard et on se décale, d’un accord tacite, le plus loin possible l’un de l’autre. Le ciel était couvert et gris et cela finissait de donner à l’instant une impression sinistre. J’ai lu tellement de récits de fin du monde que c’était à la fois familier et irréel.

J’espérais que ce dimanche matin, les magasins seraient calmes maintenant que les plus angoissés et égoïstes d’entre nous ne pouvaient plus sortir de chez eux à cause des douze paquets de papier-toilettes qui bloquent leur porte d’entrée. Alors j’ai été déçue de voir une queue devant le supermarché. Les gens respectaient les distances, et les ont multipliées par deux, sans compter leur caddie.

 

Après dix minutes d’attente, j’ai pu rentrer dans le magasin. Des appels micro nous rappelaient de respecter les distances. Quand on croisait quelqu’un dans un rayon, c’était presque la panique. On va probablement sortir de confinement en ayant le mètre dans l’œil.

Je suis rentrée. Je me suis lavée les mains. J’ai sorti mes courses, et je me suis lavée les mains. J’ai rangé mes courses et je me suis lavée les mains.

Bref, un dimanche comme un autre.

 

A suivre...



22/03/2020
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